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ERUPTION DE FAGRADALSFJALL

Août 2022

Je me rappelle encore ce mercredi. Posé dans le canapé chez mes grands-parents, je vois passer une première story Instagram disant qu'il y a une nouvelle éruption en Islande, puis une deuxième, puis une troisième... Depuis plusieurs semaines, je suis l'activité volcanique dans la péninsule de Reykjanès avec attention. Toutes les données confirment qu'une potentielle éruption se prépare et ce, probablement à court terme. Je vais donc vérifier ce qu'il en est dans la presse islandaise. Et là, l'information est confirmée ! Elle débute via une nouvelle faille à proximité de l'éruption de 2021 dans cette-même péninsule. Je n'ai pas pu assister à la précédente. Bien qu'elle ait duré 6 mois, je suis arrivé un mois et demi trop tard.

 

Je rêve d'en voir une comme il s'en produit en Indonésie. Bien que celle-ci soit de moins grande envergure, sa location permet de se rendre rapidement sur place depuis l'Europe. De plus, je suis actuellement en vacances. Après avoir raté celle de 2021, je me suis toujours dit que s'il s'en produisait une en Islande ou non-loin de la France, je prendrais le premier vol pour m'y rendre.

Au fur et à mesure que je me renseigne sur l'éruption et sur les éléments relatifs à la sécurité, l'idée de partir devient très rapidement concrète dans mon esprit. Je commence donc à regarder les vols et les prévisions météo. Le weekend à venir est maussade mais le milieu de la semaine suivante sera bon (N'oublions pas que c'est l'Islande). Je me donne 24 heures pour voir comment la situation évolue mais, je sais déjà, au fond de moi, que je vais y aller. Jeudi soir, la décision est prise en même temps que les billets, je serai en Islande lundi soir !

Jour 1 - Contrainte météo

Mardi matin, la pluie est au programme, je fais donc mon sac en conséquence. En chemin, je ne vais pas tarder à comprendre que je ne pourrai pas accéder au volcan aujourd'hui. En effet, suite aux déboires de personnes mal équipées les jours précédents, les autorités se sont réunies et ont décidé que les conditions météorologiques ne permettaient pas d'accueillir les personnes dans de bonnes conditions. Une voiture de police fait barrage à chaque extrémité de la route et, sans raison valable, on ne passe pas. Je prends connaissance de ces informations dans la file de voitures en attendant mon tour. Contraint de revoir mes plans, je me dis qu'il serait dommage de ne pas aller voir les glaciers et le phare de Dyrhólaey (j'adore les phares). J'arrive donc à négocier mon passage  afin de gagner du temps  sur le trajet. Par la même occasion, j'en profite pour demander à quelle heure se réunira la commission le lendemain. Le verdict sera donné à 9h le jour-même.

Ainsi, je me mets en route en direction du glacier de Sólheimajökull. Il est aisément accessible depuis un parking. Sur place, je suis choqué de voir la fonte de ce dernier en seulement quelques mois. Le temps étant pluvieux, entre deux ondées, une bruine s'est formée sur le glacier et donne l'impression d'être une autre planète. Comme le montre la photo en noir et blanc, le mélange entre la texture de la glace, les pénitents et cette atmosphère brumeuse nous transportent tout droit sur Mars. De retour sur Terre, je me rends désormais sur la plage de Reynisfjara connue pour ses monolithes et ses vagues tristement célèbres. Qualifiées en anglais de "sneaker waves", il s'agît de vagues qui dont la force et la taille sont bien supérieures à celles qui déferlent en continue. Elles résultent  de la fusion de plusieurs petites vagues ce qui expliquent leur intensité ainsi que leur caractère aléatoire. Ainsi, lorsqu'elles déferlent, elles remontent bien plus haut sur la plage et un phénomène de lame de fond à tendance à vouloir vous emmener vers le large. Bien que de nombreux panneaux soient présents sur le site, nombre de touristes continuent de jouer avec les vagues. Si vous restez un peu sur le site en période de fréquentation, il est très probable que vous voyez quelqu'un se faire mouiller les pieds voir faucher par une d'elles. A qui le tour?

Pour finir la journée, je me rends au sommet de Dyrhólaey. On y surplombe une plage de sable noir qui semble s'étirer à l'infini vers l'horizon. Et, à la saison, les macareux nidifient dans les falaises. Ce sont des oiseaux qui inspirent la sympathie et qui volent avec la grâce et l'aisance d'un poulet! Je vous recommande de prendre le temps de les observer.

Jour 2 - Au plus près du volcan

9h00 : La commission de sécurité a autorisé l'accès au volcan. Je passe en vitesse au supermarché prendre de quoi manger pour le midi. La journée va être longue. En arrivant sur le parking du site, je constate que de nombreuses personnes sont déjà présentes. La marche est courte, environ 7km de long (aller) pour une élévation de 300m. J'ai eu vent par les différents médias du non-équipement d'une partie des "visiteurs". En effet. Bien que la première partie de la trace soit aménagée, le reste est encore relativement naturel. Et, comme en montagne chaque été, on y croise de tout, des personnes équipées et des personnes en chaussures de ville, sans eau et bien peu vêtues. Je peux concevoir que les gens ne sont pas habitués à ce type d'environnement et n'ont donc pas les codes. Pour autant, on trouve bon nombre de communications de la part des autorités, des médias et mêmes des influenceurs sur les réseaux sociaux qui donnent de nombreux conseils aux néophytes. D'autant qu'une éruption, quelle qu'en soit son intensité, reste dangereuse en particulier à cause des émanations de gaz.

En chemin, on passe d'abord devant les vestiges de l'ancienne éruption. Mais ne vous y trompez pas, bien que le volcan de crache plus de lave et comme le suggère les nombreuses fumeroles émanant de la lave refroidie, il subsiste encore en dessous de nombreux points chauds. Les dizaines de mètres de lave accumulés mettront des mois à refroidir. Le spectacle est saisissant, digne d'un film de science fiction. Au sol, les herbes et lichens sont brulés par les vapeurs du volcan. Le champ de lave, d'un noir profond et aussi tourmenté que le chaos, offre un paysage de désolation. Avec, en son centre, le cône qui, il y a un peu moins d'un an, produisait des fontaines de lave atteignant 460m de haut et un débit dépassant les 16M3/s (sources: The Watchers News et volcano.si.edu ). Et pourtant, l'hostilité de ce lieu en souligne sa beauté. Comme transportés sur une autre planète, on se dresse face à un renouveau, face à une des roches les plus récentes sur Terre. 

Au loin, une colonne de fumée émane d'une vallée encore cachée par le paysage. Nul doute possible, on sait désormais où il se trouve. Tapis à l'abris des regards, sa respiration le trahi. Lorsque l'on bascule sur le versant y menant, le son de la lave commence à nous parvenir et les émanations sont de plus en plus visibles, contrastant avec les monts en arrière plan. Toute la foule est comme portée par un élan d'enthousiasme, par une curiosité qui se fait insoutenable à son approche. Les pas s'accélèrent. Ce dernier replat constitue le dernier rempart visuel. Soudain, les pas ralentissent, puis, se figent... Les visages ébahis, les regards tout autant sidérés qu'émerveillés, les gens s'esclaffent, parfois pleurent, sautent de joie, submergés par l'émotion. Puis, ils s'élancent à nouveau pour le voir dans son ensemble. Il est juste là, devant vous. Celui que tout le monde est venu voir. Son souffle et le bruit de ses caprices vous heurtent désormais de plein fouet. Le volcan déverse des mètres cubes de lave dans un vacarme que l'on pourrait comparé au ressac des vagues dans les rochers un jour de tempête. Je pense qu'il faut vraiment le voir en vrai, pour se rendre compte des dimensions et de l'atmosphère qui règne aux abords du volcan. Du haut de ce cirque, on surplombe un champ de lave noire au milieu duquel trône un lac de lave et un demi-cône d'où sort la lave en bouillonnant. Puis, elle s'écoule à travers diverses rivières avec un débit surprenant. Parfois, les parois du lac cèdent, déversant cette roche liquide sur les champs de lave solidifiée. 

La lave, d'un rouge d'une intensité sans égale, est de loin la chose la plus hypnotique que j'ai vue. Vous ne pouvez vous empêcher de la regarder. A tel point que vous pourriez vous asseoir et vous oublier. C'est un spectacle sans nom. Voir cette matière visqueuse s'écouler est fascinant.

Je décide de descendre à proximité du champ de lave. Solidifiée au contact de l'air, la lave semble figée dans le mouvement. A proximité, vous entendrez ce cliquetis de la matière qui refroidit. Il peut arriver d'entendre un son similaire avec du charbon incandescent. Il m'est difficile de me dire que je touche là, une roche qui n'a que quelques jours. Mais, le plus irréel est lorsque je me tiens en haut de l'anse au nord du lac. En faisant le tour du site et, cherchant un autre angle de vue, je me dis que le lac à des chances de s'étendre dans cette direction. Depuis cette position, je me retrouve à la même hauteur que ce dernier. Et, je n'ai jamais réussi à réaliser que tout ce magma vient de plusieurs kilomètres sous terre. C'est comme si on n'avait simplement posé une attraction au milieu du vallon. Et pourtant, sous pression, le magma s'est bien frayé un chemin à travers des fissures de l'écorce terrestre jusqu'à ressortir à la surface donnant ces geysers bouillonnants. La coulée finit par s'étendre dans ma direction. Au bout d'une dizaine de minutes, le front de lave se trouve désormais en contrebas de ma position et avance doucement. Je décide donc de descendre pour rejoindre les quelques personnes s'y trouvant. C'est incroyable de se dire que je me trouve à seulement quelques mètres de cette lave liquide. La chaleur qui s'en échappe ne vous permet pas d'aller à moins de 3-4 mètres. A ce moment, sous l'averse, seuls mes mains et mon visage ne sont pas couverts par des vêtements. Et pourtant, le rayonnement est si fort que vous avez déjà cette sensation de brûlure. Bien que pratique pour sécher les vêtements, je n'ai as envie de finir rôti comme un poulet.

Le nuage de fumée ne permet pas d'accéder à la colline la plus proche de l'éruption. De retour non-loin du point de vue initial, la nuit finit par tomber et c'est là que le site révèle toute sa beauté. Déjà obnubilante de jour, la lave, dans cette obscurité, devient omniprésente. Sa lumière éclaire le site dans son intégralité. Le contraste, la rend encore plus visible et trahi sa présence dans les moindres recoins. Assis en hauteur, je contemple ce spectacle. Bien qu'à plusieurs centaines de mètres de la lave liquide, je constate qu'en présentant la paume de mes mains face à celle-ci, je peux sentir la chaleur qui s'en dégage. C'est vraiment impressionnant! Tard dans la soirée, en quittant le site, je suis frappé par l'intensité avec laquelle l'éruption illumine dans un halo rouge panache de fumée qui s'éleve au-dessus du site.

 

A 23h, on croise encore des personnes qui arrivent sur le site. Comme tout au long de la journée, tous ne sont pas équiper comme il le faudrait. Pas sûr que des chaussures de ville, une simple veste et la lampe du téléphone portable soient les plus appropriées pour randonner sur ce type de terrain... Qui plus est de nuit. N'oubliez pas que la présence de secours sur le site et sur l'île plus largement ne prévaut pas sur l'autonomie et le bon sens. Il vaut mieux commencer par pouvoir compter sur soit avant de compter sur les autres.

Jour 3 - Prise de recul

En ce dernier jour, le temps est à nouveau à la pluie. Je décide de me rendre sur un autre point de vue afin de voir le volcan avec plus de recul. L'itinéraire est plus court mais je pense que le dénivelé est similaire. On commence par monter sur l'arête du mont qui borde la précédente éruption. Par rapport à la veille, on est à l'opposé de celle-ci. Puis, on remonte jusqu'au sommet. Prenant l'avion en fin de journée, je ne souhaite m'aventurer plus loin. Bien qu'à plusieurs kilomètres, lorsque le vent cesse, on peut entendre les grondements du volcan.

L'éruption est depuis terminée, mais, si vous disposez  de suffisamment de temps pour faire les deux sites, je vous recommande d'en profiter pour aller plus loin ou en haut du second mont afin de voir le site dans son ensemble.

Quelques conseils 

Si vous souhaitez vous rendre sur le site ou qu'une nouvelle éruption s'y produit, voici quelques conseils:

- Renseignez-vous sur les itinéraires et les conditions du site. Le site de visiticeland.com donnent diverses informations et celui de visitreykjanes.is permet de voir la carte avec les itinéraires. Je recommande également de prendre une capture d'écran d'une carte topographique et de ne pas uniquement compter sur la 4G. Il existe encore des zones blanches.

- Tenez compte de la météo. La direction du vent et son intensité participe à la dispersion des gaz. Naturellement, les conditions météorologiques auront un impact sur votre équipement. Je vous recommande donc les sites de l'office météorologique islandais (vedur.is) ainsi que meteo blue pour la préparation de vos sorties. Ces sites sont très complets et comportes nombres d'informations utiles. 

- Côté vestimentaire, équipez-vous comme pour une randonnée de quelques heures avec des vêtements adaptés à la météo. Bien que le sentier principale (A) est désormais probablement aménagé jusqu'au volcan, pensez à prendre des chaussures adaptées. Le sentier peut s'avérer glissant s'il a plu ou neigé. Pensez à prendre de quoi vous couvrir. Il est probable que vous passiez un peu de temps sur le site. Et, même par 10°c, lorsqu'il pleut et qu'il y a du vent, on se refroidit vite lorsque l'on reste statique. Une lampe frontale chargée et/ou avec un jeu de piles de rechange ne prennent pas de place et rendront toujours service donc, ne les oubliez pas.

- Concernant le masque à gaz (en période d'éruption), il s'agit d'un masque équipé de cartouches filtrantes de type ABEK. Il n'est pas indispensable. Mais comme on dit, qui peut le plus peut le moins. Il n'est à mon sens pas utile de le porter lorsque vous êtes suffisament en hauteur et que le vent chasse les gaz. C'est plus en cas de problèmes comme un dégazage brusque du volcan ou un changement de direction rapide du vent qui pousserait le nuage sur vous. Lorsque vous êtes à proximité de la lave ou dans des points bas il peut être judicieux de le porter. Si vous êtes sur la zone post-éruption, gardez à l'esprit que la présence de fumerolles indique une probable émanation de gaz. Ces derniers sont plus denses que l'air et se trouveront, en l'absence de vent, proche du sol notamment dans les dépressions. C'est pour cela que certains sites peuvent être déconseillés aux jeunes enfants ainsi qu'aux chiens.

- Pour les yeux, je vous recommande de prendre de quoi les protéger. A minima une paire de lunettes de soleil couvrant bien vous protégera du soleil et, du vent.. Le cendre est volatile et, comme le sable, en cas de bourrasques suffisamment fortes, elle pourra être soulevée et projetée dans les yeux. Par ailleurs, dans certains types d'éruptions, on peut être en présence de cheveux de pelés et il peut être nécessaire de s'en protéger. Pour finir, lors de l'éruption, j'avais également pris un masque pour les yeux en complément de celui pour la respiration afin de me protéger les yeux dans le cas où les fumées viendraient sur nous.

- Et bien sûr, vous allez passer quelques heures dehors. Donc, n'hésitez pas à prendre de l'eau (en quantité suffisante) et un encas.

Pour information, le numéro d'urgence en Islande reste le 112. Cela est un numéro d'urgence. Utilisez le à bon escient.

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